« Je suis donc mort une fois pour pouvoir continuer à vivre – et c’est peut-être là ma véritable histoire. Puisque c’est ainsi, je dédie mon œuvre née de la mort de cet enfant aux millions de morts et à tous ceux qui se souviennent encore de ces morts. (…)Car j’ai l’impression qu’en pensant à l’effet traumatisant d’Auschwitz, je touche les questions fondamentales de la vitalité et de la créativité humaines, et en pensant ainsi à Auschwitz, d’une manière peut-être paradoxale, je pense plutôt à l’avenir qu’au passé. »
CRÉATION 2026
Après le triptyque « Écrire en pays dominé » développé de 2017 à 2022 avec Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre, Et le cœur fume encore et 1983, Margaux Eskenazi lance à partir de janvier 2024 une nouvelle recherche autour des mémoires et des identités du judaïsme en s’appuyant en partie sur l’œuvre d’Imre Kertész
Le premier spectacle de ce diptyque est créé en juin 2024 aux Théâtre Nanterre-Amandiers avec la Belle Troupe. Il s’appelle Kaddish, mémoires – partie 1.
Fidèle à la méthode élaborée au sein de la compagnie au cours des dernières années, une écriture de plateau mêlant récits, témoignages, œuvres littéraires, écriture musicale et questions politiques, cette prochaine création posera les questions nées de sa lecture de Kertész et de ses propres questionnements autour de la question juive, pour reprendre le titre de Jean-Paul Sartre.
La création de ce nouveau spectacle est prévu pour début 2026.
Kaddish, mémoires – partie 1 / Nanterre-Amandiers, juin 2024 / ©Géraldine Aresteanu
A propos de Kaddish, mémoires – partie 1
Extrait d’entretien avec Margaux Eskenazi
Comment est né l’idée du spectacle Kaddish, mémoires ?
Margaux Eskenazi : Depuis longtemps, je souhaitais mener un travail de recherche sur le judaïsme en France et sa diaspora. Il y a environ un an, Christophe Rauck m’a proposé de travailler avec la Belle troupe des Amandiers. Je me suis alors dit que c’était le moment de lancer ce nouveau cycle autour de l’œuvre d’Imre Kertesz (prix Nobel de littérature). Ce spectacle est construit à partir de quatre de ses récits : Être sans destin, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, Le Refus et Dossier K. Il ne s’agit pas de questionnement identitaire car Imre Kertész lui-même n’est ni croyant ni pratiquant bien qu’il ait grandi dans une famille traditionnaliste. Mais tout au long des quatre œuvres que nous traversons, il s’interroge sur comment raconter cette expérience fondamentale, celle de sa déportation. Ce qui résonne très fort pour nous aujourd’hui est qu’il comprend l’Holocauste, comme le produit même des idéologies du XXème siècle en Europe, du libéralisme et du capitalisme qui ont façonné ce continent.
C’est une pensée très contemporaine. Quel récit faire de son expérience ? Quelle poétique inventer ? Ce sont ces questions centrales qu’il nous invite à traverser : entre littérature et réflexions sur la littérature en train de se fabriquer.
Les répétitions ont commencé le lundi 16 octobre, environ dix jours après l’attaque du 7 octobre par le Hamas au sud d’Israël, les otages et la riposte israélienne avec les bombardements à Gaza. La création de ce spectacle est totalement imprégnée par ces « évènements ». La langue, la poésie, la spiritualité de Kertész nous fait dialoguer sans cesse avec le présent. C’est une voix précieuse, une voix de la paix, nécessaire.